Droit administratif | Collectivités territoriales | Culte | Domaine public | Implantation d’une statue | Laïcité | Neutralité de l’Etat et des personnes publiques | Notion de "dépendance de l’édifice du culte" | Religion | Séparation des Eglises et de l’Etat
Cour administrative d’appel de NANTES, 16 septembre 2022, Commune des SABLES D’OLLONE, Req. n° 22NT00333 et 22NT01448
Aux termes du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances". Le principe de laïcité, qui figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, impose notamment que la République assure la liberté de conscience et l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et garantisse le libre exercice des cultes. Il en résulte également la neutralité de l'Etat et des autres personnes publiques à l’égard des cultes, la République n’en reconnaissant ni n’en salariant aucun. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat traduit ces exigences constitutionnelles.
Pour la mise en œuvre de ces principes, l’article 28 loi du 9 décembre 1905 précise que : "Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions". Ces dispositions définissent ainsi, sous réserve des exceptions expressément prévues au même article, une interdiction ayant pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes. Elles s’opposent à toute installation, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel retient que Saint-Michel, chef de la milice céleste des anges du Bien selon la religion abrahamique, est souvent représenté au moment de la fin des temps, l’Apocalypse et la fondation du Royaume de Dieu, en chevalier terrassant le diable, il est désigné comme saint par l’Eglise orthodoxe et par l’Eglise catholique et, depuis avril 2017, il est également le saint patron de la Cité du Vatican en raison de la consécration du pape François et selon le vœu du pape émérite Benoît XVI. Il en résulte qu’une statue représentant l’archange Saint-Michel fait ainsi partie de l’iconographie chrétienne et, de ce fait, présente un caractère religieux sachant qu’elle était devenue le symbole d’une école confessionnelle dans la commune, qui ne peut utilement se prévaloir du caractère d’œuvre d’art de ce monument.
L’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 interdit tout "signe ou emblème religieux (…) en quelque emplacement public que ce soit…" et ne vise donc pas seulement les signes de reconnaissance de la religion chrétienne. Il en résulte que la circonstance que la statue de Saint-Michel puisse symboliser d’autres religions que le catholicisme ne la rend aucunement conforme à la loi mais au contraire ne fait que confirmer la méconnaissance de l’article 28 précité. Il en résulte, selon la Cour, que la statue de l’archange Saint-Michel exprime bien la reconnaissance d'un culte ou la marque d’une préférence religieuse.
Le fait que la place sur laquelle est implantée la statue de Saint-Michel est utilisée comme parvis de l’église Saint-Michel devant laquelle elle se trouve ne peut conduire à la qualifier de "dépendance de l’édifice du culte", voire d'édifice servant au culte au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, et ce, même si les fidèles sortant de l’église à l’occasion des cérémonies qui s’y déroulent convergent vers la place utilisée comme parvis. Il n’apparaît donc pas qu’en lui-même cet emplacement public relèverait de l’une des exceptions limitativement énumérées par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 au principe général d’interdiction d’élever ou d’apposer un signe ou un emblème religieux sur quelque emplacement public que ce soit. le moyen soulevé était inopérant.
La décision par laquelle le maire des SABLES D’OLONNE a refusé que la statue de l’archange Saint-Michel soit retirée du domaine public communal est donc illégale.
Avocat Droit Administratif | Avocat Collectivités Territoriales
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