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Le droit à l’oubli existe en droit de la fonction publique…

Fonction Publique | Ancienneté des faits | Condamnations judiciaires | Contrôle du juge de l’excès de pouvoir | Discipline | Faits affectant le bon fonctionnement ou la réputation du service | Faits antérieurs à la nomination d’un fonctionnaire portés ultérieurement à la connaissance de l’administration | Faits de nature à justifier une sanction | Faits de vol avec violence et de tentative de pénétration sans autorisation dans un établissement pénitentiaire | Incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique | Motifs | Révocation


Conseil d'Etat, 3 mai 2023, M. X. c/ Département de la SEINE-SAINT-DENIS, Req. n°438248


Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la découverte de fraudes aux prestations sociales versées par le département de la SEINE-SAINT-DENIS, le président du conseil départemental de la SEINE-SAINT-DENIS a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de d’un fonctionnaire et a, par un arrêté du 26 avril 2017, prononcé sa révocation. Par un jugement du 22 janvier 2018, le Tribunal administratif de MONTREUIL a annulé l'arrêté du 26 avril 2017 et enjoint au département de la SEINE-SAINT-DENIS de réintégrer ledit fonctionnaire à compter du 15 mai 2017 et de reconstituer sa carrière. Ledit fonctionnaire s’est pourvu en cassation contre l'arrêt du 4 décembre 2019 par lequel la Cour administrative d'appel de VERSAILLES a annulé ce jugement et rejeté la demande qu'il avait présentée devant le tribunal administratif.


Lorsque l'administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d'un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l'intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 26 avril 2017 prononçant la révocation du fonctionnaire est fondé sur des motifs tirés, d'une part, de ses antécédents judiciaires, regardés comme incompatibles avec l'exercice par l'intéressé de ses fonctions, et, d'autre part, de la consultation à trois reprises, en mars et avril 2014, d'un dossier ne relevant pas de son champ d'intervention et relatif au bénéfice de prestations sociales dont a frauduleusement bénéficié une de ses connaissances.


Par l'arrêt attaqué, la Cour administrative d'appel de VERSAILLES a jugé que s'il n'était pas établi par le département que le fonctionnaire aurait procédé irrégulièrement à la consultation du dossier d'un bénéficiaire par fraude d'une allocation versée par le département et que ces faits ne pouvaient en conséquence pas être retenus pour justifier la sanction prise à son encontre, il ressortait toutefois des pièces du dossier que le président du département aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les antécédents judiciaires du fonctionnaire. Si c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a retenu que des faits à l'origine de condamnations judiciaires d'un agent public, antérieurs à son recrutement, pouvaient, le cas échéant, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, constituer le fondement de poursuites disciplinaires, la cour n'a pas suffisamment motivé sa décision en se bornant à relever l'existence d'antécédents judiciaires du fonctionnaire, sans caractériser les faits à l'origine des condamnations de ce dernier et sans apprécier si ces faits, compte tenu de leur nature et de leur ancienneté, étaient de nature à conduire à la révocation de l'intéressé. Par suite, le fonctionnaire concerné est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.


Sur le fond de l’affaire :


Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur de fait soulevé par ledit fonctionnaire en indiquant que ses antécédents judiciaires ou ses condamnations pénales passées ne ressortaient pas des pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, le moyen invoqué par le département de SEINE-SAINT-DENIS et tiré de l'irrégularité de ce jugement à raison de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.


Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2017 :


En premier lieu, il n'est pas établi, au vu des pièces versées au dossier, que fonctionnaire à l'encontre duquel par ailleurs aucune charge n'a été retenue à l'issue de l'enquête judiciaire qui avait été diligentée après la découverte de fraudes aux prestations sociales versées par le département, aurait procédé irrégulièrement à la consultation du dossier d'un bénéficiaire par fraude d'une allocation versée par le département. Par suite, le fonctionnaire concerné est fondé à soutenir que ces faits ne pouvaient être retenus pour justifier la sanction de révocation prononcée à son encontre.


En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le fonctionnaire concerné, né en 1989, a été condamné, par le tribunal correctionnel de MEAUX, par jugement du 17 mars 2008, à raison d'un vol avec violence n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, commis au préjudice d'un magasin pour un montant de 485 euros, à une peine de deux ans de prison dont un an avec sursis et qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de BOBIGNY, par jugement du 29 mars 2012, pour avoir tenté de pénétrer sans autorisation dans un établissement pénitentiaire en s'y présentant avec une pièce d'identité qui n'était pas la sienne, à une peine de trente jours-amende. Ces condamnations, antérieures à son recrutement par le département de la SEINE-SAINT-DENIS à compter du 2 juillet 2012, ont cependant donné lieu, pour la seconde, à une dispense d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé et, pour la première, à un effacement de ces mentions par jugement du tribunal de grande instance de MEAUX du 15 mai 2012. Eu égard à l'ancienneté des faits ayant justifié la première condamnation dudit fonctionnaire et à leur nature, ayant d'ailleurs conduit l'autorité judiciaire à retenir en 2012 que leur gravité ne justifiait pas ou plus de mention des condamnations correspondantes au bulletin n°2 du casier judiciaire, ces faits à eux seuls, dont l'administration a pris connaissance en 2014, n'affectaient pas le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation de l'intéressé par l'arrêté attaqué du 26 avril 2017.


Il résulte de tout ce qui précède que le département de la SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de MONTREUIL a annulé l'arrêté du 26 avril 2017 et lui a enjoint de réintégrer ledit fonctionnaire à compter du 15 mai 2017 et de reconstituer sa carrière dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.


[Annulation de l’arrêt, rejet de la requête d’appel et confirmation du jugement qui annule la sanction]



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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