Fonction publique | Absence de compteur individuel | Caserne | Chauffage commun | Logement de fonction | Gendarmerie | Militaire | Nécessité absolue de service | Régularisation des charges locatives
Cour administrative d’appel de NANTES, 9 juin 2023, Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer c/ M. B., Req. n° 22NT03986
Un sous-officier de gendarmerie, bénéficie d'une concession de logement pour nécessité absolue de service au sein de la caserne de gendarmerie "GOUVION" de la ROCHE-SUR-YON (VENDEE). Il a été destinataire d'un avis, daté du 20 juin 2018, portant régularisation des charges d'occupation de son logement au titre de l'année 2013, pour un montant de 1 473,67 euros, déterminé, s'agissant des frais de chauffage collectif au gaz, au prorata de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé et du nombre de jours de présence. Ledit officier a formé un recours contre cet avis de régularisation de charges reçu le 27 juillet 2018 par la commission de recours des militaires. A la suite du rejet de ce recours et à défaut de réponse de l'administration, une décision implicite de rejet est née, le 27 novembre 2018. Ledit officier a saisi le tribunal administratif de NANTES qui a annulé cette décision. Le Ministre de l’Intérieur a interjeté appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Aux termes, d'une part, de l'article L. 4145-2 du code de la défense : "Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne". Aux termes de l'article D. 2124-75 du code général de la propriété des personnes publiques : "Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service". Aux termes de l'article R. 2124-71 du même code : "Le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) supporte l'ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu'il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation (...)". Enfin, aux termes de l'article D. 2124-75-1 de ce même code : "La gratuité du logement accordé en application de l'article D. 2124-75 s'étend à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures".
Aux termes, d'autre part, de l'article L. 241-9 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : "Tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif./ Nonobstant toute disposition, convention ou usage contraires, les frais de chauffage et de fourniture d'eau chaude mis à la charge des occupants comprennent, en plus des frais fixes, le coût des quantités de chaleur calculées comme il est dit ci-dessus (...)". Aux termes de l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : "Tout immeuble collectif à usage principal d'habitation équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant doit être muni d'appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif. / Ces appareils doivent permettre de mesurer la quantité de chaleur fournie ou une grandeur représentative de celle-ci". Selon les termes de l'article R. 131-5 du même code : "La mise en service des appareils prévus à l'article R. 131-2 doit avoir lieu au plus tard le 31 mars 2017 (...)". Aux termes de l'article R. 131-7 de ce code : "I. - Dans les immeubles collectifs équipés des appareils prévus à l'article R. 131-2, les frais de chauffage afférents à l'installation commune sont divisés, d'une part, en frais de combustible ou d'énergie et, d'autre part, en autres frais de chauffage tels que les frais relatifs à la conduite et à l'entretien des installations de chauffage et les frais relatifs à l'utilisation d'énergie électrique (ou éventuellement d'autres formes d'énergie) pour le fonctionnement des appareillages, notamment les instruments de régulation, les pompes, les brûleurs et les ventilateurs. / II. - Les frais de combustible ou d'énergie sont répartis entre les locaux desservis en distinguant des frais communs et des frais individuels. / (...) Le total des frais individuels s'obtient par différence entre le total des frais de combustible ou d'énergie et les frais communs (...). Ce total est réparti en fonction des indications fournies par les appareils prévus à l'article R. 131-2, les situations ou configurations thermiquement défavorables des locaux pouvant être prises en compte (...)".
Il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni d'aucun texte législatif ou réglementaire que les casernements ou locaux annexés aux casernements destinés à l'hébergement des personnels de la gendarmerie nationale titulaires d'une concession de logement pour nécessité absolue de service seraient, en tant que tels, soustraits aux règles d'individualisation des charges de chauffage instituées par les dispositions du code de l'énergie et du code de la construction et de l'habitation précitée.
Dès lors qu'il est constant que le logement en cause bénéficiait, en 2013, d'un système de chauffage commun et était pourvu d'appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif dans chacun des logements concédés, il résulte des dispositions de l'article R.*131-2 du code de la construction et de l'habitation précitées que l'administration ne pouvait légalement prévoir, par la circulaire du 28 décembre 2011 dont elle se prévaut, un système exclusif de répartition des charges de chauffage des logements concédés au prorata des surfaces chauffées et des périodes occupées. Par ailleurs, la réponse ministérielle JORF- année 2016 - n° 39 A.N (Q) - page 8829, selon laquelle "de la souplesse a été introduite avec un échelonnement dans la mise en service des appareils de mesure. Cet échelonnement permet de conserver l'ambition de la mesure tout en y apportant de la flexibilité. Les immeubles seront alors équipés progressivement avec priorité pour les bâtiments les plus énergivores", ne peut être utilement invoquée en l'espèce dès lors que le logement en cause était déjà équipé, en 2013, d'un système individuel permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque logement concédé à titre privatif.
Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription, que le Ministre de l'Intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NANTES a annulé sa décision du 27 novembre 2018 par laquelle il a implicitement rejeté le recours formé par ledit officier à l'encontre de l'avis de régularisation des charges au titre de l'année 2013.
[Rejet de l’appel]
Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif
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