Cour administrative d'appel de PARIS 14 février 2024, M. B. c/ Commune d’EPINAY-SUR-SEINE, Req. n° 23PA01980
Fonction publique | Absence de demande d'autorisation de cumul d'emploi | Accident imputable au service | Cumul d’emplois et de traitements | Déontologie | Discipline | Faute | Manquement à l’obligation de probité | Récupération des sommes indûment perçues | Révocation | Vacation
Le comportement d'un agent consistant à invoquer son état de santé pour être placé en arrêt de travail, tout en effectuant concomitamment des tâches similaires à celles exercées au sein de la commune dans une autre collectivité pendant plusieurs années et pour un montant important de rémunération, est constitutif d'un manquement grave à l'obligation de probité ainsi qu'à l'interdiction de cumul d'activité.
Considérant ce qui suit :
M. B..., recruté par la commune d'Epinay-sur-Seine le 1er juillet 2006 en qualité d'agent public territorial, a été titularisé le 1er juillet 2007 comme adjoint social de catégorie C. Il a exercé en dernier lieu les fonctions de chauffeur-accompagnateur au sein du service de la navette. A la suite d'un accident reconnu imputable au service, il a été placé du 16 novembre 2012 au 17 septembre 2019, successivement, en congé de longue maladie, arrêt maladie ordinaire et congé longue durée. Le 20 juin 2019, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a confirmé au maire d'Epinay-sur-Seine, qu'entre 2011 et 2018, l'intéressé avait régulièrement et pour différentes durées, effectué des vacations au bénéfice du département et perçu à ce titre un cumul de traitements d'un montant de 117 900 euros. Le 3 septembre 2019, M. B... a été suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois. Après avis favorable du 29 janvier 2020 du conseil de discipline, le maire d'Epinay-sur-Seine a prononcé sa révocation par un arrêté du 6 février 2020, au motif que, de février 2011 à avril 2019, il avait exercé, sans autorisation, une autre activité d'accompagnateur d'enfants pour le compte du département de la Seine-Saint-Denis, alors qu'il était en congés maladie. Par courrier du 3 avril 2020 reçu par son destinataire le 26 mai suivant, M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision et a sollicité le versement par la commune d'Epinay-sur-Seine d'une indemnité d'un montant total de 95 000 euros, à titre de dommages-intérêts. Cette demande a été rejetée le 15 juillet 2020. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil, en limitant ses conclusions d'appel au rejet par les premiers juges de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2020 du maire d'Epinay-sur-Seine.
Sur la légalité de la décision attaquée :
Aux termes de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires alors applicable, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ". Aux termes du I de l'article 25 septies de la même loi alors applicable, désormais codifié à l'article L. 121-3 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées (...) ". Aux termes de l'article 29 du même texte alors applicable, désormais codifié à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : - / la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".
En cause d'appel, M. B... se borne à invoquer un unique moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction dont il a fait l'objet. Comme indiqué dans le rappel des faits, il ressort des pièces du dossier que, de février 2011 à avril 2019, alors qu'il était depuis le 16 novembre 2012, en arrêt de travail en raison de son état de santé, avec maintien intégral de son traitement par la commune, et qu'il avait refusé les différentes possibilités de reclassement qui lui avaient été proposées, notamment dans des services administratifs au vu des restrictions recommandées par le médecin du travail, M. B... a été employé en qualité de vacataire par le département de la Seine-Saint-Denis et a perçu, à ce titre, une somme totale de 117 900 euros nets, ce qui lui a pratiquement permis de doubler sa rémunération mensuelle. Outre le fait que l'absence de demande d'autorisation de cumul d'emploi, dont la nécessité était connue de l'intéressé selon ses propres déclarations devant le conseil de discipline, est fautive, un tel comportement consistant à invoquer son état de santé pour être placé en arrêt de travail, tout en effectuant concomitamment des tâches similaires à celles exercées au sein de la commune pour le compte d'une autre collectivité, ce pendant plusieurs années et pour un montant important de rémunération, est constitutif, par sa seule nature, d'un manquement grave à l'obligation de probité ainsi qu'à l'interdiction de cumul d'activité. Dans ces conditions, la sanction de révocation infligée n'est pas disproportionnée, ce même en l'absence d'antécédents et quelle que soit la catégorie d'emploi de l'intéressé, et nonobstant la circonstance, à la supposer avérée, que le requérant aurait été psychologiquement dans l'impossibilité de reprendre une activité au sein de la commune d'Epinay-sur-Seine. Enfin, les difficultés financières invoquées par celui-ci sont sans incidence sur l'appréciation de la gravité de la faute.
Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté contesté.
[Rejet et condamnation de l’agent à verser 800 € à la commune sur le fondement de l’article L. 761-1 du CJA]
Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif
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